Résilience Inachevée de Said Ourrad
Par Farid Namane
Résilience inachevée est le titre du premier roman de Said Ourrad (éditions Sydney-Laurent, 2020). Psychiatre de formation et de profession, l’auteur se penche se l’un des sujets les plus épineux: le viol. Ce premier roman s’interroge sur un phénomène social crucial et essaie d’expliquer, voire d’expliciter les conséquences qu’a un tel phénomène sur la psychologie de la victime.
Dès l’incipit, l’auteur nous plonge dans l’état d’esprit de Céline qui, durant son enfance, est victime d’un viol. La description de son quotidien et sa recherche d’un remède à son mal témoignent de ce malaise qui perdure. La prééminence de questions dans le texte et qui sont parfois des questionnements du personnage principal témoignent de cette recherche permanente d’une résilience, d’une porte de sortie à travers des réponses qui tardent à venir : « Qu’est-ce qui se prépare de mauvais ? S’interroge-t-elle. Cette question tourne en boucle dans son esprit, sans trouver de réponse apaisante ? » (p.13), Ou bien « Depuis plusieurs jours, pour Céline, se motiver est un exercice pénible et laborieux. Des questions harassantes et insistantes titillent continuellement son esprit. Elle pense profondément à demain. » (p.16). Et si le remède vient du cinéma ?
Dans une écriture ou l’enchâssement de récits s’invite à travers le film que réalise Céline sur cette période sombre de son enfance, l’auteur nous plonge dans une aventure d’écriture ou l’expérience du temps –excellemment maîtrisée –se profile à travers les événements racontés : le « temps raconté » et le « temps du raconter » se mêlent et se démêlent à travers ces deux récits.
A la fin de son film, qui était une totale réussite, Céline se rend compte que les événements lui échappent, que son succès dépasse ses capacités à maîtriser la situation. D’autres questions viennent torturer son esprit fragilisé par la tournure des événements : a-t-elle vraiment pardonné à son bourreau comme l’a fait l’actrice Léa dans le film ? A-t- elle besoin de se venger pour accomplir sa résilience ? « Son film, elle l’a espéré comme une thérapie, mais sans grande conviction…Tout au plus un témoignage de ce qu’elle a vécu dans son enfance, et sa résilience.
Est-elle vraiment satisfaite du résultat final ? Elle n’a pas de réponse précise à cette question. Plutôt une réponse mitigée, doublée d’inquiétude et d’un sentiment d’incertitude. » (p.108), lit-on dans le texte.
Quelques jours après la sortie de son film, Céline retrouve Marc qui devient son compagnon, mais aussi, elle se rend compte que le violeur de son enfance habite à quelques encablures de Paris. A ce moment-là, sa réalité (son ressenti) et sa fiction (son film) se mêlent et le perpétuel questionnement refait surface dans l’esprit de Céline : « « Tout ce qu’elle souhaitait profondément, c’était oublier, s’éloigner de ce cauchemar qui l’avait si longtemps habitée. Faire un film pouvait être salvateur. Elle avait choisi de raconter son enfance, son adolescence, son viol, son parcours. Mais l’épisode de la condamnation de son violeur n’est que pure fiction. Son désir profond est devenu une réalité sur l’écran, alors que sa propre réalité est restée au stade du désir. » (p.180).
A travers ce texte, Said Ourrad évoque, avec une grande maîtrise du sujet, un phénomène social à travers ses retombées ou conséquences sur le plan psychologique. Là où d’autres textes se contentent de décrire ou d’expliquer un événement ou un fait social, Said Ourrad explicite un fléau et décrit ses conséquences sur l’esprit de la victime.
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