Mariem Berhouma, Sami Bouzio, Elsa Cerf, Anissa Kaouel, Rémy Sébille, Parcours de lecture : Tlemcen ou les lieux de l’écriture de Mohammed Dib, coordination Touriya Fili-Tullon
Par Guy Basset
Il faut saluer le travail fait par Touriya Filli-Tullon de l’Université Lumière Lyon 2 et « ce parcours de lecture » autour de ce livre méconnu de Mohammed Dib. Il relate un retour tardif, – l’écrivain a plus de 70 ans –, à la ville d’origine dans laquelle il est né, il a grandi et qui n’a jamais cessé de le nourrir.
L’intrication entre photographies et textes présente dans ce livre vient assez dire qu’écrits et photographies figent, mais les études rassemblées montrent que ce n’est pas dans le même sens et dans la même temporalité. Cette coexistence, ce rapport intime peut et doit mettre en action l’imagination, la création et les souvenirs. Interroger ainsi comme le font les auteurs le caractère hybride du livre, c’est tenter de percer le sens d’une œuvre. C’est entrer en lecture autant que faire mémoire d’un temps révolu à travers la coexistence du passé et du présent, ces photographies de 1946 retrouvées tardivement par Dib faisant face à celles de Philippe Bordas qui viennent les compléter plutôt que les corriger. Il y a là un jeu du temps, dans lequel le moment de l’écriture de l’écrivain rejoint les photos plus récentes, pour retrouver le moment de la prise de vue ancienne.
La mémoire est alors vive, au sens où elle n’est pas ressassement mais source de création. Et c’est bien aussi à partir de ces photos d’hier et d’aujourd’hui, qui prennent parfois un caractère intemporel, que peuvent entrer en action souvenirs d’un passé révolu et reconstruit et entrée en écriture et littérature. Habiter, en quelque sorte, la Grande Maison : l’analyse du patio, photo et texte, moment central du livre de Dib prend alors tout son sens et il est juste que cette séquence soit évoquée sous des angles différents dans ces analyses critiques.
C’est cela que nous dit cet ouvrage avec un questionnement sur le rôle de la mémoire et son influence chez Dib. Fruit d’un travail collectif d’étudiants de troisième année de licence, sous la férule de Touriya Filli-Toulon, ce travail dépasse aussi le simple commentaire de l’œuvre de Dib par les réflexions pertinentes sur la photographie elle-même, son rapport avec un texte écrit, tissé à son contact.
Cet arrêt sur image qui nous est offert nous incite à une lente relecture méditative de toute l’œuvre de Dib, autant qu’à la redécouverte de l’originalité de ce livre. On se prend à lire cet essai critique réussi avec, à portée de main, ces compléments que sont le guide de la ville par A. Bel (1910) ou le livre illustré de Georges Marçais (1950) ou même les photos plus ethnologiques prises dans l’Aurès, juste avant la guerre, par Germaine Tillion et Thérèse Rivière…
Voilà un court et dense ouvrage qui comptera dans les études dibiennes.
Cet opuscule peut être téléchargé à l’adresse suivante : https://www2.ac-lyon.fr/enseigne/lettres/IMG/pdf/mohammed_dib.pdf
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