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Avec nos partenaires, Le Tarmac (Théâtre), Matéï Visniec

Paysages de nos larmes, Matéi Visniec / Éric Deniaud

    Quand le théâtre rend l’homme à sa beauté et à sa bonté

                                         Par Virginie Brinker et Victoria Famin

 

paysages de nos larmesDans cette réécriture du mythe biblique de Job, allant du « Je crois en Dieu » vers un « Je crois en l’homme », Éric Deniaud adapte un texte que Matéi Visniec a écrit pour lui et son collectif Kahraba, Paysages de nos larmes. Si le texte dit et martèle la croyance inébranlable en l’humanité, c’est bel et bien sur le plateau que la proposition humaniste se réalise pleinement.

Le ciel a laissé sa place à l’espace de la terre, des roches, du sable. Le langage des corps des comédiens s’est substitué à l’acte de dire, directement. L’homme est face à lui-même, face à nous, – autres hommes – dans ce huis-clos qu’est devenu la salle de spectacle, miroir dans lequel nous nous mirons, dans nos horreurs et nos beautés infinies.

Tout est déjà advenu, « Je suis déjà mort » entend-on dès le départ, et pourtant, nous allons vivre à nouveau ce qu’a vécu Job, ce pantin désarticulé, malmené, torturé et massacré par des hommes qui ne supportaient pas sa croyance – une croyance noble, belle, simple aussi, en l’humanité. C’est cette croyance que nous allons, par la force théâtrale du spectacle proposé, partager à notre tour. « L’impossible est devenu possible », grâce au théâtre. Tout fait signe vers la métaphore – les maisons construites, effacées, divisées et finalement reconstruites ; le masque de bête que l’on revêt pour se perdre et mieux se retrouver, humain à nouveau ; les draps noirs qui enveloppent les corps pour les anéantir puis les sublimer, le sable qui les ensevelit pour laisser finalement place à des semeurs de blé et d’espoir. Tout va dans le même sens : rester debout – malgré tout – digne et inaltérable. Et pourtant, le symbole devient acte véritable car tout nous ramène au réel, à l’absolue actualité de la situation. Depuis cette armoire qui s’effondre, première image de la pièce, premier accident au sens théâtral du mot, qui nous rappelle à notre contingence, à la réalité, jusqu’aux solos de violons improvisés sur scène par Dominique Pifarély, jamais les mêmes chaque soir. Tout fait signe vers la puissance de l’acte théâtral notamment la présence des corps, leur absolue incarnation puisque les comédiens ne parlent que par leurs gestes, chorégraphiés, leurs mouvements, d’une absolue délicatesse. Tout concourt au final à faire des mots des énoncés authentiquement performatifs : les mots eux-mêmes se mettent à parler dans le tableau final et promettent de prendre soin de l’homme.

Ce « soin » apporté à l’homme est au cœur du ressenti du spectateur. La sollicitude et la douceur avec laquelle les comédiens entourent, bercent, dansent avec le pantin, l’écoutent aussi, de toute leur bienveillance est palpable. C’est elle qui l’emportera sur les mots de la violence subie par Job, le corps malmené et écartelé est ici soigné, choyé, célébré. Même les larmes de douleurs sont transfigurées. Ce sont elles qui « trahissent » Job en exprimant sa foi en l’homme. Le propos n’est plus utopique, il est pleinement actualisé – l’humain est rendu à sa beauté et à sa bonté, dans une mise en scène d’une beauté inouïe elle aussi.

Derrière l’universalité du propos, c’est encore une fois le réel qui se trouve convoqué : les voix-off se mêlent, en français et en arabe. La voix-off est aussi celle de Roger Assaf, un Job bien vivant qui, même pendant la guerre au Liban, continuait de croire en l’homme et en la puissance du théâtre.

Plus qu’une leçon, la pièce est une véritable expérience. Vous engager à aller voir Paysages de nos larmes ne suffirait pas, il s’agit d’aller le vivre.

 

A voir au Tarmac jusqu’au 25 mars

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