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Sorj Chalandon, Le Quatrième Mur, mise en scène de Julien Bouffier

« Antigone, Anouilh et Beyrouth »

Par Valerie Nehmé

Visuel QUatrième mur

Beyrouth, 1982. La ville se perd aux mains de l’homme, qui lui-même a perdu de son humanité. La guerre s’intensifie. Les conflits politiques font rage. La mémoire s’efface peu à peu. Les lendemains n’existent plus. Alors, que reste-t-il, si ce n’est le rêve d’une vie autre que celle, présentement, si sombre et si violente ? Monter l’Antigone d’Anouilh, dans une ville en pleine destruction? Suspendre le temps ? « Voler 2 heures à la guerre » ? Tenter l’impossible ? Rassembler des comédiens libanais que mille mondes séparent ? Briser les frontières ? Voici le pari fou et pertinent de Samuel et Georges dans le Quatrième Mur de Sorj Chalandon dont le metteur en scène Julien Bouffier s’est approprié le roman pour monter la pièce ; tout comme Anouilh s’est approprié l’Antigone de Sophocle dans le Paris occupé.

Les murs s’effondrent dans l’obscurité et laissent entrevoir un monde où les personnages, tour à tour, prennent possession d’un lieu ravagé et laissé pour abandon entre Beyrouth-Ouest et Beyrouth-Est, afin de jouer l’Antigone de Jean Anouilh ; et ce peu avant les massacres de Sabra et Chatila. Pure folie de monter la pièce au beau milieu d’un champ de bataille afin de transformer les désillusions des uns et des autres en rêves et utopies deux heures durant. Deux heures durant lesquelles la guerre se transformera en une paix collective avec des comédiens toutes confessions confondues ? Ou simple délire, bercé d’illusions ?

La guerre n’est pas un obstacle face à la création théâtrale. Monter Antigone sous les bombes est une évidence. Samuel, l’homme de théâtre, interprété par Alex Jacob,  dont le corps se détache peu à peu de l’âme, demande à George, l’ami, le confident – ici, une femme, incarnée par Vanessa Liautey (car voulu par Julien Bouffier) – de poursuivre leur quête vers la création ultime, celle de donner vie à leur Antigone à Beyrouth, là où les attendent des comédiens libanais qui ont été choisis pour une unique représentation.

Si le Quatrième Mur est ce qu’on appelle, au théâtre, la façade imaginaire que les comédiens construisent afin de les séparer du public, le metteur en scène nous pousse ici à briser cette « frontière » qui sépare ceux qui jouent et ceux qui observent. Les masques tombent, la musique s’empare de la scène et nous immerge dans la ville, dans le Beyrouth d’aujourd’hui, par images interposées. Des images poétiques de scènes quotidiennes d’aujourd’hui mais aussi d’hier.

Les comédiens à l’écran et les comédiens sur scène se fondent les uns aux autres, s’affrontent, laissant leurs corps s’exprimer, se mouvoir, se toucher. Parmi eux, sur scène, la sublime Diamand Abou Abboud, qui joue Antigone, personnage central de la pièce, personnage tragique et puissante, celle qui dit non, celle qui émeut, celle qui transporte.

Et puis, il y a cette chanson, «  The Sound of Silence » de Simon and Garfunkel, interprété par Alex Jacob du Skeleton Band, qui revêt un autre rôle. Mais il y a aussi cette petite fille en France qui pleure sa glace alors que de l’autre côté de la Méditerranée, on pleure la guerre. Tragique.

Voilà, toute la force du Quatrième Mur. Si pour Sorj Chalandon « Le pays du livre n’est pas le Liban, c’est la guerre », pour le metteur en scène Julien Bouffier, « c’est le JE du narrateur ».

Prochaines Dates :

Mardi 7 mars à 20h45 au Théâtre du Vésinet

Mercredi 29 mars à 20h30 et jeudi 30 mars à 19h30 au Théâtre de Saint-Quentin-en-Yvelines, scène nationale

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