Être libre… Rester libre
Par Valerie Nehmé
Paris, 1993, Lina, une jeune étudiante se lance dans l’aventure de sa vie après avoir quitté son Liban. Elle a 18 ans, elle est libre et le monde lui appartient.
Ode à la liberté et à l’espoir aussi, Peur de rien est le quatrième long-métrage de la cinéaste Franco-libanaise Danielle Arbid et dans lequel elle met en scène dans un premier rôle, une jeune femme au visage captivant et au regard intense en quête d’émancipation et d’indépendance, Manal Issa.
Cette dernière interprète magnifiquement le rôle de Lina Karam, une jeune libanaise de 18 ans qui part sans regarder derrière elle, le pays qui l’a vu naitre pour s’installer à Paris et poursuivre ses études et surtout ses rêves. Elle s’installe chez sa tante (Darina El-Joundi) et son oncle (Waleed Zuaiter) en banlieue. Mais la vie ne se passe pas comme prévu. Elle quitte le domicile brusquement et découvre l’autre Paris, celui qui fait mal, mais elle s’en fout. Elle y va quand-même sans un sou en poche. C’est le temps des découvertes, des rencontres au fil des jours, des nuits, des premiers baisers, des émois, de son initiation sexuelle, des amitiés, des inimitiés, des bancs de la fac, des cours d’histoire de l’art et de littérature… du travail à mi-temps (parce qu’avec une carte de séjour, on ne peut dépasser un certain nombre d’heures) et du travail au noir, de l’errance aussi et c’est surtout le sentiment de liberté. Cette liberté qui l’a poussé à l’exil, à l’autre monde, celui du pays des droits de l’Homme.
Hier c’était la guerre au Liban. Les conflits familiaux qui l’ont le plus marqué avec une mère (Dima El-Joundi) fatiguée de tout et tout le monde. C’était les illusions perdues.
Maintenant c’est l’espoir d’une autre vie, de l’autre côté de la méditerranée. C’est un autre regard qui se pose sur la France, cet autre pays, un pays libre et avec des droits.
1993, c’était le temps du rock alternatif, des boys-band, du hip-hop, de la dance, du RnB, du pop indé, le temps du sportswear et de Jean-Paul Gaultier, le temps du cinéma asiatique, le temps de la victoire de la droite aux législatives, le temps du franc, des cabines téléphoniques et des cartes, c’était Balladur au poste de premier ministre… c’était plein de mouvements artistiques, socio-politiques… et autres événements et luttes qui avaient marqué toute une génération.
Etrangère
Mais Lina reste une étrangère qui navigue entre les gens qu’elle rencontre ici et là, et le milieu dans lequel elle évolue jour après jour, nuit après nuit. Inscrite en économie, elle se rend vite compte que cette « science » ne lui convient guère et c’est en histoire de l’art et en littérature qu’elle trouvera sa place. Les cours seront une forme de libération et l’inciteront à voir le monde autrement. Elle se découvre chaque jour un petit peu, et se fraye un chemin coûte que coûte, peu importe les dires des autres, peu importe le regard des autres. Rien n’est simple et elle le sait. Tout se paye. De cartes de séjours en récépissés, elle se sait fragile et est consciente qu’elle pourrait être expulsée du jour au lendemain. Mais rien ne l’arrête. Rien ni personne. Elle n’a pas peur. Chacune de ses rencontres est une ouverture vers l’autre mais c’est surtout une découverte de soi. Ses amours sont belles, chacune à leurs façons. Fragiles aussi. Tout comme ses amitiés. Elles réveillent en elle un sentiment de plénitude, mais pour un temps seulement. Lina est une jeune femme qui assume pleinement son désir.
Pendant que les champs brûlent
Danielle Arbid, ne quitte pas du regard Lina. Caméra subjective, elle nous laisse imaginer le Paris et le Liban de 1993 sur une chanson phare de Niagara « Pendant que les champs brûlent » qui prend ici, tout son sens :
« …Ce soir-là on s´est embrassés sans se parler.
Autour de nous, le monde aurait pu s´écrouler.
Les yeux cernés, des poussières dans les cheveux.
Au long de mes jambes, la caresse du feu.
Pendant que les champs brûlent
J´attends que mes larmes viennent,
Et quand la plaine ondule
Que jamais rien ne m´atteigne… »
Pour Lina, aujourd’hui tout est possible et il n’existe pas un seul amour ou une seule amitié. Et le monde ne s’arrête pas à la moindre brisure et/ou au moindre chagrin ou échec et ou au premier baiser. Le monde lui appartient et demain aussi, étrangère ou pas, avec son bel accent chantant, ses amitiés, ses amours, ses études, ses professeurs et ses rêves plein la tête. Elle est enfin libre.
Danielle Arbid, signe avec Peur de Rien, un film d’une grande beauté sur la jeunesse et la liberté. Son meilleur film. Son plus grand film dans lequel elle révèle une jeune actrice, Manal Issa, qui n’aura pas fini de nous étonner. Et ce n’est que le début. Demain est là.
« Mais les vrais voyageurs sont ceux-là qui partent »
L’Appel du Large. Charles Baudelaire.
- Sortie en Salle le 10 Février
- Durée : 2h
- Distribution : Ad Vitam
- Relations Presse: Monica Donati
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