BLACK DANDY, UNE BEAUTÉ POLITIQUE, un documentaire d’Ariel Wizman et de Laurent Lunetta
par Lama Serhan
“Black dandy raconte l’histoire de la nouvelle silhouette du jeune homme noir, de ses origines dans les champs de coton des esclavagistes aux stars branchées d’aujourd’hui”
Le sujet de Black Dandy est donc de raconter une histoire de l’élégance de l’homme noir en passant par les rues de Brooklyn, cœur des mouvements du cool aux Etats-Unis, aux rues d’Afrique, berceau de la créativité. Le documentaire s’amorce à Brooklyn, la voix off nous informe, l’homme noir a un style «implacable, évident et sans effort (…) ce mélange de tradition et de provocation est leur héritage ».
Alors que nous pensons que la mode se déroule en Europe, Ariel Wizman replace l’importance de l’élégance et du dandysme de l’homme Africain, Caribéen, Latino ou afro-américain qui « a son histoire et sa place dans la nôtre ». Du Hip Hop à la pop culture, les influences venant des traditions africaines se retrouvent aussi bien chez les bloggeurs influents que dans les grandes maisons de couture. Comme Balmain qui par son directeur artistique Olivier Rousteing distille dans ses collections des imprimés africains ainsi que des tissus typiques comme le wax.
La balade narrative se poursuit en Angleterre, à la rencontre du duo de “Art comes first” puis d’Oswald Boateng, “premier homme noir à avoir ouvert boutique à Savile row en 1995”, célèbre rue de Londres pour ses costumes sur mesure.
Et c’est au milieu du récit par un jeu de voix imbriqués de tous les stylistes, bloggeurs, hommes élégants rencontrés, que l’Afrique surgit enfin. Tous le disent à tour de rôle: l’Afrique est là, donc chacune de leurs créations.
La carte de l’Afrique, présente dans le documentaire, montre évidemment la diversité de ce continent en terme de mouvement de mode. Ariel Wizman commence son tour au Congo, lieu de naissance de la S.A.P.E (la Société des Ambianceurs et des Personnes Élégantes). Tout débute en 1922, dans la figure d’André Grenard Matsoua, premier SAPEUR qui a inspiré la création de la religion matsoua.
L’explosion de ce mouvement a lieu sous Mobutu avec comme motivations le « refus du folklore bananier de la dictature. Argent, bonnes manières, tchatche et danse, voilà leurs armes ».
Après ce retour historique, Ariel Wizman part à Paris à la rencontre des SAPEURS qui les uns après les autres déclament leur adoration de la sapologie et en délivrent les préceptes: tricologie, adoration, grâce à un “procédé obtenu par révélation”. Les sapeurs défilent les uns après les autres en exécutant une danse mettant en valeur les différents accessoires de leurs tenues.
Interrogé par Ariel Wizman, Pap Ndiaye nous explique comment la mode a permis aux Congolais d’exprimer une “indifférence par rapport au régime de Mobutu, qui, rappelons-nous, portait des costumes à la chinoise, extrêmement strict avec une couleur passe-muraille. Etre un sapeur, c’était témoigner d’une forme d’opposition qui désarmait les possibilités de répression”. Bachelor, un sapeur très connu pour la création de sa griffe et son implication dans le milieu de la S.A.P.E parisien, parle de cette union entre les Congolais sapeurs qui se retrouvent parce qu’ils nourrissent la même passion. Face aux cruautés du monde, le sapeur arbore des couleurs vives pour le rendre moins dur. Vécu comme une religion, la SAPE pour Bachelor est un médicament, “ l’homme sapeur tombe rarement malade, parce qu’il s’aime”.
En Afrique du Sud, Ariel Wizman aborde les groupes des “born free”, ces Africains nés après l’Apartheid, et notamment les amis
Sartist. qui, avec des fringues récupérées sur les marchés de Johannesburg créent des pièces uniques inspirées parfois par de vieilles photos de l’époque coloniale.
La pauvreté n’empêche pas la créativité aussi bien pour les Sartist. que pour le collectif de photographes de mode Khumbula, (dont la définition est se souvenir), qui au cœur même des townships, ont envie de répandre aux Africains la fierté d’être noir.
Le documentaire se termine sur ces mots: « le black dandysme est un acte de liberté, de force, de dignité ». Les différents mouvements de mode évoqués dans le documentaire le montrent bien : l’élégance a la volonté de délivrer un message politique, mais a aussi une dimension sociale et d’identité, se sentir appartenir à un groupe. La force de Black Dandy est de mettre à sa juste place l’importance de l’influence africaine dans les mouvements de pop culture, de ne pas juste regarder le monde de l’élégance à travers le prisme européen mais d’être conscient de la vivacité indéniable du continent africain.
Black Dandy, une beauté politique un documentaire de Laurent Lunetta et Ariel Wizman, Production CANAL+ et La Grosse Boule productions, Diffusé en mars 2015 sur CANAL+.
Toutes les images sont des captures d’écran du documentaire.
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