« Saper l’oubli »
par Léa Coff, créatrice du site La Jaseuse
Mise en scène Julien Mabiala Bissila
Avec Julien Mabiala Bissila, Marcel Mankita, Criss Niangouna
Scénographie Delphine Sainte-Marie
Costumes Marta Rossi
Lumière Xavier Lazarini
Musique et son Frédéric Peugeot
Conseil à la mise en scène Jean-François Auguste
Réalisation des costumes Sophie Manach
Du 17 novembre au 4 décembre 2015 au Tarmac, 159 av Gambetta Paris 20
http://bit.ly/1KRpA4m

©Le Tarmac
C’est l’histoire de la SAPE. Non, c’est l’histoire du Congo. Non, c’est l’histoire de la guerre, de deux frères, de Brazzaville et d’une paire de chaussures.
Deux frangins reviennent sur les lieux du carnage, sur la carcasse encore fumante de ce qui fut leur ville. La scène est un sac de nœuds. Comment se repérer dans une ville sans dessus-dessous où le sud est devenu l’est, où plus rien n’a de sens. L’Acapolypse est passée par là. Paumés dans les ruines, Criss et Cross ne sont d’accord sur rien, ni sur la rue à emprunter pour retrouver le jardin de leur enfance, ni sur le déroulement du spectacle. On danse d’abord ? Non, d’abord on raconte. Par où est-ce qu’on commence ? Ça a déjà commencé.
On ne comprend pas immédiatement ce qu’il se passe, on s’y perd un peu avec leurs invectives et tous ces discours, déconstruits. C’est pourtant bien de ça qu’il s’agit, rebâtir ce qui a été détruit : les murs, les histoires, la vie. Sous leurs airs de clowns un peu bordéliques, ils nous ont déjà embarqués dans leur travail de mémoire. Petit à petit, bribe après bribe, au détour de leurs disputes enfantines, les souvenirs ressurgissent. Et nous, on est happé par la luminosité de Julien Mabiala Bissila, auteur et metteur en scène, et de son comparse deux fois plus grand que lui, Criss Niangouna. En équilibre sur un fil, mi-comédiens mi-personnages, tous deux font du public leur interlocuteur privilégié, un témoin de l’histoire passée et du moment présent, si précieux. Étrange et rare communion.
Bientôt, les frères sont rejoints par un troisième larron, Bayouss, vieille connaissance de la famille. Ou peut-être un messager, un fantôme rescapé de la vie d’avant ? Marcel Mankita déchire la poésie lunaire de son rire puissant, la démarche cabotine et la canne dansante. Est-il vraiment là ou bien est-il le fruit de l’imagination des frères désespérés ? Bayouss a tout vu. Il a vu les armes, les balles, les corps éparpillés, la folie des hommes. Il sera leur guide dans leur quête de Vérité et de Sens , une quête d’Absolu qui ne les mènera qu’au recommencement.
Empreint d’une fougue et d’un bagou dignes d’un amuseur de foules, le texte de Julien Mabiala Bissila s’attaque à l’horreur indicible, sans pathos ni miserere, avec une humanité et une générosité désarmantes.
Voir l’article de Virginie Brinker consacré au texte de Julien Mabiala Bissila, Au nom du Père, et du Fils et de JM Weston sur La Plume Francophone. Texte à paraître dans la collection « Le Tarmac chez Lansman » – Lansman éditeur – en partenariat avec RFI, au sein d’un recueil : Au nom du père et du fils et de JM Weston (prix des Journées de Lyon des auteurs de théâtre en 2011), suivi de Chemin de fer (texte lauréat du prix théâtre RFI 2014). Un autre texte de l’auteur, Crabe rouge, est à paraître également aux Éditions Passage(s), dans la collection « Libres courts au Tarmac ».
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