« L’apport irremplaçable de l’analyse littéraire » à la compréhension de l’expérience historique au Maghreb
Par Nabile Farès
En prenant pour objet de notre visée les textes littéraires publiés en France et au Maghreb, nous nous sommes aperçus que ceux-ci nous donnaient à lire les formes et évènements de la vie psychique et historique des peuples français et maghrébins, contemporains et séparés d’eux-mêmes en une étrangeté controversée, polémique, politique, toujours actuelle.
Formes spécifiques en tant qu’elles déploient leur constitution et histoire, leur temporalité, en une cassure symbolique parcourant générations, langues, imaginaires, cultures, dont elles disent les différences, les aberrations, les conflits, les solitudes, les tragédies, les effets.
Dure confrontation où la focalisation d’un passé ancestral, colonial, national, enregistre l’étrangeté et proximité d’écritures singulières propres aux pays que Freud nommait, après Tocqueville, peut-être pas dans le même sens, des « individus-peuples »[1].
L’usage de quelques termes de la psychanalyse ne fait pas partie ici d’un engouement personnel à la dite « psychanalyse appliquée ».
Bien au contraire, cet usage est bien celui de l’apport critique que la psychanalyse, précisément, offre à l’analyse de la culture dont, avec précellence, les créations orales, écrites, textuelles de ces « individus-peuples », anciens et actuels, sont les témoignages récents les plus vifs.
Idéologie d’un « moi » ou d’un « sur-moi » ritualisée, idéologie d’un « ça » et d’un « idéal-du-moi » projetée, présences d’un « Je » élaboré, fragile, expriment les formes par lesquelles se nouent assomption, pertes, réitération, répétition de la nécessité d’une création subjective.
Tel serait pour nous les cassures et les processus, où l’anthropologie psychanalytique sémantique, et, littéraire, a désigné le mouvement la créativité concrètes de l’inscription symbolique.
À la place de l’illusion d’une totalisation de l’expérience historique, le discours de soi et de l’autre manifeste l’écartèlement originaire où prennent naissance les analyses des élaborations de la poéticité.
L’apport irremplaçable de l’analyse littéraire est de situer la question des analyses au clivage, non pas du vrai et du vraisemblable, mais du rôle propre de la fiction. Rôle propre qui restitue à une pluralité discursive la trame où vient à se prendre l’illusion idéologique en tant que remplissement d’une signification assignable, totalitaire, tyrannique, de, et, à l’existence humaine.
Rupture au centre d’une totalité de la créance, l’œuvre littéraire manifeste l’écart entre le souhait d’une existence interprétée, reconnue, et l’idéologie d’un discours social et politique de légitimité.
Aveu du manque au cœur d’une subjectivité où œuvre, en confrontation avec le discours du sens, la transformation des mondes, des individus, des groupes, des langues, des histoires et des cultures.
[1] Lire Alexis de Tocqueville, De la démocratie en Amérique, éd. Flammarion, coll. GF, 2010, et Sigmund Freud, Considérations actuelles sur la guerre et sur la mort, trad. V. Jankélévitch, Paris, éd. Payot, 1968.
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