«Samba Diallo, chef de chantier »
par Célia Sadai
Trente-quatre ans se sont écoulés entre la publication de L’Aventure ambiguë en 1961, et celle des Gardiens du temple en 1995. Trente-quatre ans, c’est aussi l’âge du couple gémellaire composé par Salif Bâ et Farba Mâri, figures centrales des Gardiens du Temple – dont on pourrait situer la naissance au jour même de la mort de Samba Diallo. L’un est homme de culture – la culture des champs, on entend. Le second est griot, maître de la parole du pays des Diallobe.
Et, comme surgie d’outre-tombe, la présence spectrale de Samba Diallo inonde le Pays des Diallobe. Le héros tragique de L’Aventure Ambiguë est revenu inspecter les « travaux finis », ou les promesses d’un projet social porté par L’Aventure Ambiguë. Le roman de 1961, que l’on a lu davantage comme une fable métaphysique, trouve ici son prolongement comme roman social. Les Gardiens du Temple invite à une relecture matérialiste et historique de L’Aventure Ambiguë : quel héritage le sacrifice de Samba Diallo a-t-il laissé au pays des Diallobe ?
Le pays des Diallobe avait été comme foudroyé par cette disparition, car l’homme que le destin avait ravi ainsi n’était pas seulement une personnification presque idéale des valeurs dans lesquelles tous les Diallobe se reconnaissaient, mais, durant le peu de temps qu’il avait vécu parmi les siens, à son retour du pays des Blancs et avant que le Fou ne l’eût sacrifié, il avait aussi commencé d’apparaitre aux yeux de ceux qui l’avaient approché comme la preuve incarnée, l’annonciateur sobre d’un avenir fertile. La communauté diallobe avait porté son deuil et procédé, à l’occasion du procès de l’assassin, à un profond examen de conscience. [Samba Diallo] avait eu le temps de convaincre les Diallobe que le monde des Blancs ne recelait pas que de maléfices, et de démontrer que les Diallobe possédaient des richesses qu’il leur incombait de préserver à tout prix […] En un sens, c’est le sacrifice de Samba Diallo qui avait permis à Salif Bâ non seulement d’aller chez les Blancs acquérir sa formation d’ingénieur agronome, mais d’avoir, à son retour à Saré Kobi, continué à jouir de la confiance et de l’affection des Diallobe. (52)
A ce titre, Les Gardiens du Temple est le second volet de L’Aventure Ambiguë, et du dyptique politique « colonisation – indépendance », mais l’écriture se radicalise. Les Gardiens du Temple est avant tout un appel à la Révolution sociale, et au contrôle du partage des pouvoirs et de l’autonomie des Indépendants.
Ainsi, Cheikh Hamidou Kane revient sur la rivalité qui a opposé deux figures de l’Histoire sénégalaise, Mamadou Dia et Léopolod Sédar Senghor, conduisant le premier à une tentative de « coup d’état » à Dakar en 1962. Loin d’être partisan, Cheikh Hamidou Kane interroge ici l’efficacité des modes de gouvernance des nations indépendantes – en l’occurrence, le Sénégal. Après la tentative de « coup d’état » de Mamadou Dia, alors Président du Conseil, contre les députés de l’Assemblée dirigée par Lamine Gueye – lesquels avaient voté une motion de censure contre le gouvernement Dia – Léopold Sedar Senghor renonce au régime parlementaire. Pour le président sénégalais, un pouvoir exécutif bicéphale, sur le modèle de la IVème République, engage forcément des rivalités de pouvoir qui vont entraver la conduite d’un pays. Dans Les Gardiens du Temple, Cheikh Hamidou Kane questionne la nature et les modalités de ce pouvoir : ses réponses ont dérangé, pourtant son projet politique et collectif, loin des idéologies dominantes, repose sur une grande conscience de l’existence et du temps, à la manière de L’Aventure Ambiguë, il y a cinquante ans…
Germination
Depuis la tragédie de Samba Diallo dans L’Aventure Ambiguë, les corps se sont réveillés et les langues se sont déliées. La narration est très dense et les personnages trop nombreux pour les recenser : de sorte qu’on les imagine comme un choeur collectif, ou même un corps collectif, dont l’embryon se trouvait déjà dans L’Aventure Ambiguë. Les Gardiens du Temple est à lire comme le roman de la germination. Le passage tant redouté de la société traditionnelle à la société civile est arrivé. Le corps collectif, c’est la nation qui grandit, dont Les Gardiens du temple raconte les enfances.
Les peurs du peuple Diallobe ont été terrassées et ce qu’ils redoutaient le plus s’est intégré au paysage quotidien : l’école nouvelle, la proximité du colon, le recours aux outils et aux techniques modernes… La vie religieuse s’est adaptée quant à elle aux mutations de la société : le temps cultuel s’est matérialisé par la mesure de l’horloge de l’Histoire. C’est en regardant sa montre que Salif Bâ sait qu’il doit prier (ce qu’il ne fait qu’une fois), alors qu’il suffisait à Samba Diallo de contempler le crépuscule. Le maître coranique Thierno Saydou Barry vit « sa foi religieuse, [comme] l’acceptation joyeuse du décret divin, qu’il règle le bonheur ou le malheur […] Dieu veut et permet le bonheur des hommes. » (47). D’ailleurs ce qui frappe à la lecture, ce sont les corps debout, les corps mouvants, les corps vivants : à la manière dont le chapitre d’ouverture saisit le corps de Salif Bâ : « Il était doucement lumière en vie, dans quoi tout est circonscrit et développé. L’éclat minéral de la nuit tombait sur lui et, comme en un puits, était réfléchi, et la lumière qui naissait de lui était tendre. » (12). Dans L’Aventure Ambiguë, les Diallobe sont une communauté crépusculaire, menacée de disparition face à l’irruption incontrôlée de la modernité. Ici, c’est la communauté des Sessene qui agonise. Face à l’acharnement des cycles de sècheresse, les Sessene s’accrochent aux superstitions qui pourraient conjurer le mauvais sort : « [ils ]avaient renoué avec une vieille croyance, selon laquelle l’inhumation des griots défunts écartait de leurs terres les pluies d’hivernage. Les griots en étaient réduits à ranger leurs morts, debout, dans les creux de quelques baobabs gigantesques. » (38)
Les Sessene devront finalement leur salut à Salif Bâ, ingénieur agronome, fils du chef des Diallobe, qui a étudié en France. Nommé à la tête d’une coopérative agricole, il va collaborer avec les Sessene pour qu’ils puissent à nouveau ensemencer leurs terres. Pourtant, la technique ne peut pas tout et Salif Bâ va très vite confier ses inquiétudes au maître coranique et à Farba Mâri, son jumeau symbolique, griot de son état. Salif Bâ s’inquiète car l’amélioration des conditions de vie a causé un accroissement de la population : en bref, s’il n’y a pas assez de nourriture pour tous, qui tirera son épingle du jeu ?
Si L’Aventure Ambiguë questionnait la fragilité de la foi face à la permanence du doute, Les Gardiens du Temple inscrit ses interrogations dans un monde matérialiste, celui-là même qui les engendre. A la peur de n’être plus soi se substitue la peur de devenir blanc, c’est-à-dire la peur de ne « plus manger dans la même assiette ». A partir de 1956, date de l’application de la Loi-cadre Deferre, Salif Bâ et ses contemporains font en effet l’expérience de l’autonomie, de la responsabilité, mais surtout du pouvoir. Pour mettre en scène ce passage du pouvoir, Cheikh Hamidou Kane s’est donc librement inspiré du conflit qui a opposé Leopold S. Senghor à Mamadou Dia en 1962, dont les doubles fictifs sont Jérémie Laskol et Tarman Dankaro.
Pour conclure, disons que ce qui lie les deux romans de Cheikh Hamidou Kane, c’est l’état de tremblement : Les Gardiens du Temple nous raconte qu’il y a eu d’autres « matins de gésine », et le passage à l’acte historique va entrainer de nouveaux espoirs et de nouvelles visions, dont l’avènement d’une Révolution sociale.
Révolution
L’origine du tremblement ou de la « Révolution sociale », c’est l’application de la Loi-cadre Deferre, en 1956. Désormais, les cadres noirs « indigènes » peuvent occuper les fonctions administratives des Blancs – qui demeurent toutefois les exécuteurs. La loi, conçue en perspective de la décolonisation, a favorisé l’émergence des élites africaines qui mirent leurs compétences au profit des luttes indépendantistes, notamment dans l’édification d’un parti et dans l’activité syndicale. Dans Les Gardiens du Temple, l’élite se partage en deux groupes. Les aînés ont fait leurs classes auprès des colons commandants de cercle, dès les années 40, à une époque où l’indigène est exploité comme interprète, tel un « Wangrin » à la parole confisquée. Ceux-ci sont les Toubabs Noirs. Les autres commencent leur activité dans les années 50, dans un climat indépendantiste où l’on ne tolère plus les exactions coloniales. De sorte, la parole du colonisé devient légitime et même souhaitable. Ceux-là sont les Noirs Toubabs. Dans les deux cas, le Noir, « damné de la terre », s’est rangé du côté du patronat. En plein essor d’un marxisme noir, c’est un paradoxe historique qui n’a pas échappé aux « petits » :
« [Les anciens] patrons étaient blancs et cela se comprenait. Les Blancs ne sont pas comme nous, il était donc normal qu’ils ne marchent pas, mais roulent, qu’ils n’aient pas faim, qu’ils soient d’une autre couleur que nous, qu’ils ne parlent pas nos langues. […] Dans les voitures qui passent, les hommes qui se reposent sont noirs. Ils ont le même visage que nous. On voit qu’ils n’ont pas faim. […] Depuis la Nouveauté, la fraternité est morte entre eux et nous, les « petits », les sergents de ville, les apprentis chauffeurs, les cireurs de souliers, les crieurs de journaux, les « Revenants ». La fraternité est morte.»
Tandis que sa condition de fils de chef et sa formation d’ingénieur le placent au sommet de l’élite, Salif Bâ œuvre pour le bien commun. Au cours de ses études déjà, il édifie ses aspirations politiques autour du triptyque : « Libération totale du continent – Etats-Unis d’Afrique – socialisme africain »». A Paris, il refuse d’approcher les « humanités », qu’il perçoit comme la voie assimilatrice de « la manière d’être propre des Européens », y préférant un savoir dépouillé « qui laisserait dans l’entendement africain sa place entière à leur être propre ». Il est nommé à la tête de la coopérative agricole, chez les Sessene, où il « procède […] au renversement de perspective que requérait le passage de la sujétion coloniale à l’autonomie puis à la pleine souveraineté. ». Salif Bâ comprend alors que pour pousser les paysans à l’exploitation collective des terres, il doit interpréter l’aliénation intellectuelle du paysan due à sa sujétion coloniale (travaux forcés) : c’est ainsi qu’il s’érige comme le Bâtisseur du roman. « Il était le bâtisseur de ce monde nouveau et il avait le pouvoir de l’enraciner profondément dans ce monde ancien auquel il tenait plus que tout. ». La génération des « Noirs-Toubabs » apportera « la réponse à la question que les Diallobe s’étaient posée jadis, au seuil de l’école nouvelle : ce qu’on allait y apprendre vaudrait-il ce qu’on allait oublier ? ».
De son côté, Jérémie Laskol, aîné de Salif Bâ, avait été nommé gouverneur de l’administration coloniale « [en] hommage rendu par la France à la parfaite maîtrise de la culture et de la civilisation [française] ». Laskol appartient à l’élite atteinte du syndrome du Prince, devenue blanche par assimilation culturelle. Evidemment, le spectre de la Négritude rôde, et l’idéal du Métis culturel est mis à mal par la chute du régime de Laskol et Dankaro.
Pour Laskol, l’accession à l’élite est la condition suffisante pour être un bon gouvernant, au mépris de tout égalitarisme démocratique. Ainsi, il s’est désolidarisé du peuple, qui se retourne contre lui, déçu par « l’oligarchie politico-administrative du jeune État » déjà empêtré dans un scandale politique. Dans le roman, il est établi par tous les personnages qu’ils sont corrompus, à des degrés variés. La coexistence avec les colons blancs n’aura laissé l’âme pure qu’à Maître Thierno. Pourtant Laskol et Dankaro ont masqué derrière l’œuvre d’ « édification nationale » leurs propres blessures narcissiques qu’ils entendaient compenser par leur ambition tyrannique – selon les mots de Dankaro : « […] Il lui fallait bâtir et rebâtir, et la tâche était démesurée, et son ambition tyrannique et sa volonté immense. […] Il s’agit de planter des tentes et, sous leur abri provisoire, de méditer la Cité nouvelle et de la bâtir en même temps. […] ». La chute de Laskol et Dankaro trouve néanmoins son explication dans la psyché du peuple : la germination ne pouvait avoir lieu, à l’image de la terre aride des Sessene :
Ce qui était impossible et le demeure, c’est qu’une seule conscience fût à elle-même son maître et son esclave, son colonisateur et son colonisé, son Blanc et son Nègre. Laskol et ses condisciples africains des universités européennes étaient Nègres et colonisés ; encore moins de cent ans avant leur naissance, leurs ancêtres étaient esclaves ou susceptibles de le devenir. [Ils] furent les victimes malheureuses de cette tentative de l’impossible. »
Réunion
Observer la psyché du peuple semble un des pré-requis pour la bonne gouvernance d’une nation anciennement colonisée. C’est le parti pris de Salif Bâ, dont l’entreprise est un succès : il s’agit d’affronter les peurs séculaires qui hantent le pays des Diallobe.
En effet, une fois l’enclume de la mémoire attachée à leur cheville, ceux-ci s’en vont répéter de page en page le lamento des tragédies noires : déportation, esclavage, colonisation, exploitation… déportation, esclavage, colonisation, exploitation. Quand le référendum en faveur de l’Indépendance est arrivé, la rupture n’a pas été assez franche, ou peut-être traumatique : il eut fallu plus de bruit. Depuis, les Indépendants sont en attente du tragique qui ramènera l’ancien ordre des choses :
« Antérieurement à l’événement, le silence avait été si long, la honte si lourde qu’un bruit et une fureur équivalents eussent seuls garanti que la liberté revenue est bien la liberté, la dignité une dignité vraie. Au lieu qu’un matin soudain ils avaient été conviés à une fête bien ordonnancée. […] Ces Blancs qui font la révérence ne cachent-ils pas la vieille cravache ? »
Si le pathos pourrait menacer à fois les représentations et l’action, chacun des protagonistes l’instrumentalise pourtant avec plus ou moins de mauvaise foi. Dans la course au pouvoir, il s’avère en effet une arme efficace qui donne le ton aux tracts des responsables syndicaux ou dans les assemblées d’intellectuels, par l’argument de la souffrance historique. Cheikh Hamidou Kane décrit efficacement la récupération des discours politiques de l’époque par les idéologies de gauche ou des ultras ; marxisme en tête. Adopté par Frantz Fanon comme moteur de La Révolution Africaine, le marxisme se décrit alors comme une évolution naturelle de la pensée, puisque sa cible est l’oligarchie de l’Etat.
Pourtant, dans le concert des protestations, une voix se dégage, celle du seul personnage féminin du roman, Daba Mbaye, dont l’ardeur des positions rappelle à bien des égards la figure de La Grande Royale dans L’Aventure Ambiguë. Fille de griot et agrégée d’Histoire, cette intellectuelle en appelle, à l’heure de la déploration et du tremblement, à l’action intellectuelle. Dans une tirade efficace, elle renvoie l’idéologie marxiste aux calendes de la pensée à la faveur de penseurs africains, tels Cheikh Anta Diop, dont on sent l’influence :
« […] Tu as raison de te reconnaitre dans les Damnés de la Terre, dans les Forçats de la Faim. Mais te reconnaissent-ils, eux ? La mise à mort de tes ancêtres, leur servitude pendant des siècles, sont-elles moins scandaleuses et injustes que celle des ouvriers et des prolétaires ? Ta libération, au XXème siècle, est-elle moins nécessaire au progrès de l’humanité, et moins urgente, que celle des ouvriers et des prolétaires ? Pourquoi faut-il que, esclave ou colonisé, tu deviennes d’abord ouvrier ou prolétaire avant d’être reconnu, avant d’être admis à la dignité de partenaire à part entière de la Révolution ? L’explication est simple : les philosophes et les théoriciens de ce savoir ne te connaissent pas. […] Le seul savoir qui te concerne vit dans la parole qui, seule, est à la portée des griots. Progénitures non reconnues de nos ancêtres blancs, gardons-nous Nègres occidentalisés d’Afrique, d’acquiescer au parricide des griots par les scribes. Si nous trempons dans ce forfait, nous serons interdits d’avenir. […]Le facteur culturel est, pour le monde noir, à la fois fondateur et unificateur. »
Comme dans une pastorale politique, Farba Mâri le griot épouse l’historienne Daba Mbaye. Leur union va permettre de « coudre le monde noir en lui-même » : la couture, ou la liaison, vont unir le concert des voix disparates en un chœur harmonique, celui de l’unité africaine et de son « unité de destin » :
« Toutes ses parties composantes ayant solidairement et simultanément souffert l’esclavage, les rapts, la déportation, puis la colonisation, il serait tragique qu’au moment où elle retrouve la liberté d’initiative, l’Afrique noire se prive de l’arme de l’Unité – […] – C’est à nous les griots [qu’il] incombe de rassembler le corps démantelé. » (118-121)
Dès lors, c’est aux Gardiens du Temple de porter le poids du passé, et aux hommes, ainsi délestés, de les honorer en leur Temple. Pourtant, un dernier avertissement les invite au pragmatisme dans l’action : il s’agit de renvoyer l’ancêtre sacrificiel au monde symbolique et de choisir la « mort utile » :
« Nous ne pouvons pas décider, comme cela, de mourir à la sauvette, comme pour une action honteuse. Dans le cas de cette Révolution nègre, ce n’est pas le tout de mourir : depuis des siècles nous sommes morts si banalement, si massivement, nous sommes morts si subrepticement et pour tant de causes qui nous étaient étrangères, que c’en est une honte ! Nous allons mourir, mais mourons utilement !»
Conclusion : « La danse de Malamine »
A la clôture des Gardiens du Temple, l’épisode de la « danse de Malamine » fonctionne comme une parabole riche de signification.
On a vu que dans le roman, l’édification de repères – dont la Loi, fait défaut : ce qui justifie l’état de tremblement des protagonistes … là où le mythe de la Modernité aurait pourtant pu l’emporter. Il faut donc construire une pensée connectée qui nomme et qui explique : en somme, abriter la nation sous un édifice intellectuel. Mais tout est question de germination, et Cheikh Hamidou Kane en appelle avant tout à faire l’épreuve du temps et de la patience.
Si l’assemblée populaire réunie à Gibraltar définit la « solution révolutionnaire » par l’accession au pouvoir de l’armée, il faut cependant interpréter l’intervention militaire comme une étape nécessaire pour la nation, dont, il faut le rappeler, Les Gardiens du Temple raconte les enfances. Les protagonistes devront donc faire l’apprentissage de la démocratie en germe et l’armée (Borko, Moriko, Malamine et leurs « soldats noirs ») pourrait avoir un rôle clé dans le passage des pouvoirs politiques.
Pour l’heure, la « danse de Malamine », c’est le seul moment du roman où le peuple est protégé de l’armée des collines. Quand il ouvre les portes du palais présidentiel, Malamine défend l’idée d’une nation solidaire et réinstaure la confiance avec le peuple, clé d’une bonne gouvernance selon la Maître des Diallobe :
« […] le partage inégal, l’accaparement, la loi du plus fort ne sont pas une fatalité, dans les sociétés humaines. Sans le moins du monde contrarier l’esprit d’initiative ou la récompense du mérite, il convient de commettre à la surveillance du souverain la création et la répartition des biens. Elle fut toujours la responsabilité des chefs […] que les Diallobe investissaient de leur confiance. La confiance est nécessaire. L’application de la loi, qui doit se faire par contrainte en cas de besoin, est plus aisée lorsque la confiance la précède. La communauté des Diallobe est soumise à la loi qu’elle s’est donnée, laquelle est exercée par ceux de ses membres qu’elle s’est choisis pour guides et qui jouissent de son respect. » (65).
Discussion
Rétroliens/Pings
Pingback: Ndèye Fatou Kane, Le malheur de vivre, suivi d’un entretien | La Plume Francophone - 11 septembre 2014