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Comptes-rendus de lecture

Kaouther Adimi, L’envers des autres

    De la difficulté d’être

par Lama Serhan

 Kaouther Adimi, jeune écrivaine algérienne, déjà récompensée pour ses nouvelles par le Prix du jeune écrivain francophone de Muret (2006 et 2008) et par le Prix International de la littérature et du livre de jeunesse d’Alger (2008) nous offre son premier roman, L’envers des autres publié chez Actes Sud en 2011.

A l’instar d’Alaa Al Aswany dans l’Immeuble Yacoubian, L’envers des autres est une  galerie de portraits qui donnent mieux à voir la réalité de la société algéroise. Ce n’est pas l’endroit des autres que nous offrent les médias ou l’image que nous aimons nous faire des Algériens, mais cet envers bien plus puissant et terrible. Il est impossible de lâcher ce livre durant sa lecture, tant le rythme y est envoûtant, tant les images en sont plus que réelles. Roman polyphonique dans lequel on suit une famille algéroise et la jeunesse de ce pays, points de départ de chaque chapitre, allégories de rêves avortés.  L’échange y est rare. Alger en est le décor.

Roman court mais poignant, sanglant dans la violence d’une définition sociale nette, précise et poétique. Chaque chapitre est une blessure, une plaie de cette jeunesse oubliée.

La folie, l’homosexualité, la sexualité bannie, le mariage, la pauvreté, la prostitution,  la drogue, les personnages livrent peu à peu un bout de cette jeunesse désœuvrée, de cette Alger livrée à elle-même, tiraillée entre les traditions et l’envie de liberté. La mort et la folie clôturent le texte. Les deux tendent vers un temps arrêté, non par ce perpétuel retour à la violence dans cet espace si clos, étouffant autant par la chaleur que par les carcans de la ville (merci à Ali Chibani pour cette image développée dans sa thèse). La folie pour s’arrêter sur un moment de bonheur, la mort pour cacher la réalité des êtres.

Liberté entravée, le despote est à la fois la tradition, la famille, les convenances, l’Etat mais aussi le silence et les différences érigées comme barrières. Nous avons envie que le dialogue s’installe mais s’il émerge, c’est pour dire le mensonge. Kaouther Adimi parvient parfaitement dans ce premier roman à peindre une société en proie à de multiples fantômes.

C’est avec l’écho des révolutions arabes que la lecture se fait. Oui le contexte de lecture, tout comme le contexte d’écriture, a parfois son impact. Et l’on se demande comment et pourquoi malgré toute la difficulté d’être qu’éprouve la jeunesse algérienne la révolution n’a pas encore ébranlé ce pays. Nous la souhaitons, voire l’espérons.

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