(Re)découvrir Aimé Césaire
par Marie-Noëlle Recoque
David Alliot, auteur connu pour être un spécialiste de Louis-Ferdinand Céline, nous a proposé, en 2008, une biographie intitulée Césaire, le Nègre universel, publiée aux Editions Infolio. Cette biographie, rédigée à partir de certaines sources inédites, synthétise différents éléments historiques et culturels et permet de mieux cerner l’apport littéraire d’Aimé Césaire. Le lecteur peut, par ailleurs, approfondir le lien existant entre la vie du poète martiniquais, son combat politique et l’édification de son œuvre. Cet ouvrage est riche en renseignements sur des points clés. Outre une lecture guidée de la lettre écrite par Césaire à Thorez, lors de sa démission du parti communiste français, David Alliot nous invite notamment à faire, avec lui, l’exégèse du Cahier du retour au pays natal , dans sa première version.
La biographie fourmille aussi de renseignements qui retiennent l’attention. Le saviez-vous? Les premiers textes de Césaire n’existent plus : Aimé Césaire a détruit ses premiers poèmes qu’il trouvait trop classiques ainsi que le manuscrit d’un roman dont il n’était pas satisfait.
Par ailleurs, on apprend que Césaire n’en finissait pas de retravailler ses écrits et d’intégrer dans certains recueils des poèmes isolés au départ. Il était donc difficile, de son vivant, de publier une édition définitive de ses œuvres. On ne compte pas moins de neuf variantes du Cahier.
Il faut savoir aussi que de nombreux autographes du poète ont disparu car ils ont été vendus à des particuliers. C’est le cas d’un exemplaire d’épreuves avec manuscrits du Cahier d’un retour au pays natal (Editions Bordas, 1947), intercalé entre les variantes V et VI, dédicacé à l’auteur brésilien Mario de Andrade et contenant de nombreuses modifications, ajouts et remaniements. David Alliot fait remarquer que l’acheteur étant anonyme, il n’est donc pas possible de connaître la genèse de l’édition en date de 1956.
Le biographe nous apprend aussi que depuis 1992, l’Assemblée nationale possède la version originelle du Cahier d’un retour au pays natal, de Césaire. On la croyait disparue. Ce tapuscrit (seules quelques pages sont écrites à la main) montre l’évolution du travail exécuté sur l’écriture. Ainsi le célèbre passage où l’on peut lire : « Ma bouche sera la bouche des malheurs qui n’ont point de bouche, ma voix la liberté de celles qui s’affaissent au cachot du désespoir » est une réécriture de : « Ma bouche sera la bouche des misères qui n’ont point de bouche, ma voix la liberté de celles qui pourrissent au cachot du désespoir». Ce précieux document est accompagné d’une lettre inédite, en date du 28 mai 1939, adressée par Césaire (26 ans) à son éditeur Georges Pellerson (Revue Volontés), dans laquelle il lui dit, concernant le Cahier : « J’ai modifié la fin dans le sens que vous m’avez indiqué. Plus vertigineuse et plus finale, je crois. »
Cette biographie consacrée par David Alliot à Aimé Césaire est incontournable pour tous ceux qui aiment « le Nègre universel » ou voudraient le découvrir.
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