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Traces et Intertextualités

Présentation théorique


Introduction à la notion d’intertextualité

Par Virginie Brinker

 

  

Origine et définition du concept 

Le terme « intertextualité », issu du latin inter (« entre ») et textus (« tissu, texte »), a été proposé par Julia Kristeva, en 1969 dans son essai Séméiotiké, dans le cadre d’une théorie générale de l’intertexte inspirée par MBakhtine : « Tout texte se construit comme une mosaïque de citations, tout texte est absorption et transformation d’un autre texte ». En effet,  une œuvre littéraire ne naît pas ex nihilo, elle naît dans un paysage d’œuvres récentes ou anciennes avec lesquelles elle entretient un dialogue, alors même qu’elle proclame sa volonté de rompre avec toutes les œuvres antérieures. « Tout roman, poème, tout écrit nouveau est une intervention dans ce paysage antérieur », écrit Michel Butor.

L’intertextualité suppose donc la reconnaissance de cette relation entre textes par le lecteur, comme le souligne Michel Riffaterre : « L’intertexte est la perception par le lecteur, de rapports entre une œuvre et d’autres qui l’ont précédée ou suivie ».

L’intertextualité regroupe ainsi toutes les relations qui unissent un texte à d’autres textes, comme la citation – par exemple la reprise tronquée du titre d’une cantate de Bach pour le roman de Giono Que ma joie demeure (1935) -, ou encore l’allusion, comme celle au conte de Perrault dans le titre de Catherine Pozzi Peau d’âne (1935). De manière plus générale, l’intertextualité, c’est-à-dire les relations nouées entre deux ou plusieurs textes, permet de mettre en évidence les phénomènes de réécriture, de pastiches, de citations, de transformations qui sont un des aspects essentiels de la création littéraire.

La théorie de Genette : hypertextualité, pastiche et parodie 

Gérard Genette analyse le phénomène général de l’intertextualité, qu’il nomme d’ailleurs « transtextualité », dans Palimpsestes en 1982. L’intertextualité a, dans ce contexte, un sens plus restreint et désigne très précisément une relation d’allusion ou de citation très explicite d’un texte dans un autre. Mais l’un des mérites de la réflexion de G. Genette sur « la littérature au second degré » tient à ce qu’il n’isole pas les phénomènes d’intertextualité, au sens commun et général du terme, des autres relations transtextuelles : la « métatextualité » (ou relation de commentaire), l’ « architextualité » (relation générique) et, de façon plus marginale, la « paratextualité » (les relations que le texte entretient avec ses « seuils » tels que préface, prière d’insérer, etc.).

Dans la terminologie exposée dans cet ouvrage, le texte source est nommé « hypotexte » (hypo : « dessous ») et le texte issu de la transposition (que ce soit au titre du pastiche ou de la parodie) est nommé « hypertexte » (hyper : « dessus »). L’ « hypertextualité » désigne donc la relation entre deux textes dont l’un est une réécriture de l’autre. Le quatrième livre de l’Odyssée est ainsi l’hypotexte des Aventures de Télémaque de Fénelon, ou encore du premier chapitre de l’Ulysse de James Joyce (1922).

La parodie, à savoir l’imitation caricaturale d’un texte ou du style d’un auteur, est une relation hypertextuelle. L’exemple canonique est le Virgile travesti (1648-1653) de Scarron qui réécrit L’Enéïde sur un mode burlesque qui ridiculise la matière épique. Le pastiche se distingue de la parodie en ce qu’il n’est pas caricatural, mais tente de transposer le plus fidèlement possible le modèle, au point que le lecteur puisse s’y méprendre. Proust est ainsi célèbre pour les différentes versions « à la manière de » BalzacFlaubertRenan… qu’il a données de l’affaire Lemoine dans Pastiches et mélanges en 1919. Mais la limite entre pastiche et parodie n’est pas toujours nette : le pastiche du Journal d’Edmond Goncourt par Proust dansLe Temps retrouvé ne fonctionne comme un pastiche que par la reprise des tics de style les plus visibles de l’écrivain ; il prête alors à sourire et confine à la parodie. Le pastiche peut alors se comprendre comme la transformation ludique fonctionnant sur l’imitation d’un texte-source dans le but d’en détourner le sens, là où la parodie suppose une charge, une attaque plus violente. Dans tous les cas, le pastiche suppose un hommage indirect à l’auteur de l’hypotexte. 

Sources

Gérard Genette, Palimpsestes, Seuil, 1982.

Lexique des termes littéraires, sous la direction de Michel Jarrety, Librairie Générale Française, 2001.

La littérature française de A à Z, sous la direction de Claude Eterstein, Hatier, 1998.

Pour prolonger la question :

N. Piégay-Gros, Introduction à l’intertextualité, Dunod, 1996.

M. Riffaterre, Sémiotique de la poésie, Seuil, 1983.

Un palimpseste désigne étymologiquement un parchemin gratté sur lequel a été écrit un nouveau texte.

L’affaire Lemoine, du nom de l’escroquerie au diamantaire De Beers qui défraya la chronique judiciaire en 1908, quand l’ingénieur Lemoine prétendit avoir découvert un procédé de fabrication des diamants qu’il tenta de vendre au célèbre diamantaire. Lemoine avait dans ce but invité Sir Julius Werner, président de la De Beers, à assister à une démonstration de fabrication de diamants, mais les diamants extraits de son creuset furent reconnus comme lui ayant été vendus peu de temps auparavant par plusieurs bijoutiers. Un procès s’ensuivit, largement commenté dans la presse quotidienne.

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