Archipel au Tarmac de La Villette,
mis en scène par Issam Bou Khaled
par Lama Serhan
Le Tarmac reste le lieu parisien du théâtre francophone. Sa programmation permet donc de découvrir des productions diverses. Depuis le 19 février et jusqu’au 20 mars on peut y voir Archipel, création libanaise avec Roger Assaf, Swansan Bou Khaled, Bechara Atallah et Bernadette Houbeb.
Créée en arabe en 1999, elle est reprise ici en français. Le climat de perpétuel conflit au Liban lui confère une certaine modernité. Ceci par le postulat de départ qui est le gain d’un kilomètre carré du territoire libanais grâce aux débris, cadavres, villes détruites jetés dans la mer. Cette absurdité de la guerre pousse Issam Bou Khaled à imaginer ce que serait le Liban après de multiples conflits. « L’image du Liban comme pont entre l’Orient et l’Occident » se traduirait non plus de manière symbolique mais véritablement, et cela avec le futur pont avec Chypre, refuge du libanais pendant la guerre.
Cette « comédie noire futuriste » s’ouvre sur une bouche de canalisation en 2100 dans laquelle trois personnages apparaissent. Trois cadavres ayant chacun un peu d’herbe au niveau de la bouche, pour l’eternel femme enceinte ancienne danseuse de boîte de nuit, aux yeux, pour le vieux docteur, et aux oreilles, pour l’homme aux multiples départs. Un sourd, une muette et un aveugle et la nécessité d’un dialogue impossible pour ces « déchets de l’histoire ». Surgit alors un enfant-éprouvette jeté là dans un sac poubelle qui a la particularité d’avoir un cœur qui bat. Symbole du futur et d’un probable espoir de sortie, tout s’effondre face à la tragédie libanaise, la fatalité d’être en guerre.
La musique est incroyablement bien choisie, la scénographie réussie, notamment dans l’utilisation binaire du plateau et l’éclairage des visages mais on reste perplexe au sortir de la pièce. Si le sujet est d’actualité et que l’histoire du Liban reste un éternel recommencement, ne pas remodeler le sujet de la pièce et dire que rien n’a changé depuis 1999 c’est oublier que le temps et la mémoire donne des accents différents à nos présents.
De plus il manque certains éléments de lecture ou de vue, par exemple quels sont les déclencheurs de certaines actions ? Le passage à la langue française a alors peut-être amputé une certaine compréhension de certains passages.
Enfin la construction d’univers parallèles à un présent tragique (Rhinocéros d’Ionesco par exemple) apporte certes un dynamisme intéressant. Mais le futurisme ou la science-fiction au théâtre demeure souvent un passage délicat.
Je reste donc sceptique.
Parallélement à la pièce Pascal Cortat et Valérie Baran (directrice du théâtre) exposent des photos de Beyrouth sous le titre: « Quatre jours à Beyrouth ». C’est après la guerre de l’été 2006 qu’ils partent voir ce qu’il reste de cette ville bombardée quotidiennement. De ce voyage est né un panel mélangeant des visages de vieux souriants, des rires d’enfants, des immeubles détruits, des graffitis sur les murs, tout dans un contraste d’une grande intensité. Il faut s’arrêter à chaque image. Il y a alors une émotion considérable qui s’en dégage. Pour continuer le voyage un livre est en vente. Souvenirs glacés maintenus en suspens pour ne pas oublier ce que le temps efface.
Je vous conseille de faire un tour au Tarmac de la Villette. Et de voir un bout d’Histoire dans les images et tout de même des morceaux de récits dans Archipel.
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