Albert Cohen, vie et oeuvre
par Célia Sadai
Le juif, le diplomate
Le romancier, poète, et dramaturge suisse romand d’expression française Albert Cohen naît à Corfou (Grèce) en 1895, et grandit au sein de la communauté juive de l’île. Ses parents, artisans commerçants, choisissent vite d’émigrer à Marseille face à l’antisémitisme grandissant. C’est son enfance à Marseille et la blessure de l’antisémitisme qu’il convoquera dans Le livre de ma mère, entre récit d’enfance et autobiographie. De même, Albert Cohen réagit au poids des injures dont il souffre en tant que juif dans Ô vous frères humains.
En 1914, Albert Cohen quitte Marseille pour Genève où il entame des études de droit puis de lettres. C’est aussi l’époque où s’affirment ses convictions, nourries par « l’expérience du Juif » : l’auteur s’engage en faveur du sionisme. Né ottoman, Albert Cohen prend la nationalité suisse en 1917 et épouse Élisabeth Brocher la même année. En 1921, leur fille Myriam naît ; mais quelques années plus tard Elisabeth meurt d’un cancer.
En 1925, Albert Cohen dirige la Revue juive, et collabore avec Albert Einstein et Sigmund Freud. De 1926 à 1931, il œuvre comme haut fonctionnaire à la Division diplomatique à Genève. C’est là qu’il découvre l’univers social dont il campe moeurs et manipulations à travers les caractères de Belle du seigneur (voir l’article de Sandrine Meslet infra).
Sous l’occupation allemande, dès Mai 1940, Albert Cohen fuit à Londres où il exerce pour l’Agence juive pour la Palestine : il est chargé d’entretenir des contacts avec les gouvernements en exil. Son activité sous l’Occupation est donc essentiellement diplomatique. En 1944, il devient conseiller juridique au Comité intergouvernemental pour la protection des réfugiés. De retour à Genève en 1947, il refuse le poste d’ambassadeur d’Israël et reprend son activité littéraire. Il est fait chevalier de la Légion d’Honneur en 1970 et meurt en 1981 à Genève.
L’écrivain
Albert Cohen publie Solal[1] en 1930, roman qui est le premier volet d’un cycle que Cohen entendait intituler « La geste des Juifs ». Le personnage de Solal y préfigure le héros juif qui constitue le cœur de la « mythologie » communautaire (voir Mangeclous, 1938 puis Les valeureux, 1969) qu’invente Albert Cohen – comme une compensation aux douleurs de l’Histoire. Le livre de ma mère (1954), témoigne de l’enfance juive et rend hommage à la figure maternelle – motifs qu’on retrouve dans ses Carnets (1978).
La postérité est assurée à Cohen à la publication de Belle du seigneur (1968), roman-somme qui reçoit le Grand Prix de l’Académie Française. Le roman porte au même plan l’amour et les relations sociales, qu’il «déconstruit » cyniquement en dévoilant manipulations et stratégies sur lesquelles ils reposent.
A lire…
Paroles juives (1921)
Solal (1930)
Mangeclous (1938)
Le livre de ma mère (1954)
Belle du seigneur (1968) – Grand prix du roman de l’Académie française
Les valeureux (1969)
Ô vous, frères humains (1972)
Carnets (1979)
[1] Solal raconte la jeunesse du personnage éponyme sur l’île de Céphalonie et ses premières amours.
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