Apkass, évocation sélective
par Caroline Tricotelle
En ces rigueurs automnales à Paris, de pendules remises à l’heure, il est temps de songer à la festivité plus qu’à un hivernage solitaire. De la même façon que la recherche mène à la mobilisation, la musique mène à l’Afrique. On peut y aller fréquemment, tout dépend du chemin, même en musique. C’est comme la philosophie ou la distance, c’est ce qu’il faut démontrer ou parcourir. Des passerelles et des rencontres s’opèrent comme des mouvements. On peut ensuite parler de style ou d’appartenance et de famille sans plomber l’ambiance, puisqu’avant tout il y a un échange. Au moins un changement. En ce cas on peut trouver des liens, des repères et des portraits.
Du jazz au conteur, il y a le slam, la soul, la musique traditionnelle, le hip-hop, la poésie et bien d’autres aspects encore à apprécier. Mais de novembre à décembre, précisément, au festival Africolor, c’est ce qui se tient dans la musique d’un artiste, Apkass, sans oublier ses bobines de court-métrage. Comme le festival Africolor[1] se poursuit et se déploie littéralement dans plusieurs lieux de manifestation, de Sevran à Clichy en passant par Bagnolet, c’est à Saint-Ouen que l’on aura l’occasion d’aller à une soirée le samedi 15 décembre à 19h00[2] à l’Espace 1789. Elle regroupe Apkass, (juste après sa projection de « Fangafrica », le documentaire sous forme de panorama du hip hop de l’Afrique de l’ouest par le collectif parisien Stay Calm), D’ de Kabal, Dgiz, Hélène Labarrière, et Tata Pound. C’est du slam ou du hip hop tel qu’il se fait aujourd’hui en Afrique. C’est vaste, c’est certain mais en ce qui concerne plus particulièrement Apkass[3], c’est toute la palette sonore « qui accompagne l’évolution de l’histoire », celle d’une parole ou d’un poème venant de Kinshasa ou de Paris, d’une « mélopée » qui forme un tout cohérent avec des idées fortes telles que la diaspora et la guerre, de clins d’œil aux Etats-Unis et au slam.
Place au texte et à l’écriture. Il s’agit, en l’occurrence, de relever le nom de Gil Scott-Heron, de David Dop, en même temps que le mot panafricain et soul. Apkass « conte à l’auditeur par le biais de la poésie »[4]. C’est dire s’il est question de mots, d’images et de valeurs pour révéler l’Afrique. Pas de désillusion ni d’afropessimisme. Pas non plus de dérive raciste. Les images de la femme « ébène », du berceau et de la terre sonnent en même temps que la dignité collective. Les propos sont clairs. « Afrique, là d’où je suis »[5], « Fils impétueux, sèche tes larmes car l’Afrique repousse » comme la résistance et la fierté de se passer d’artifice, de décoloration, comme d’une post-colonisation affligeante. Le passé reste là, évidemment. Et le présent surtout. La Panafrique inaugurée en 1951 par Cheikh Anta Diop a donc fait des émules, pas d’ennemis et la colonisation est abordée en même temps que la dictature qui engendre des enfants-soldats. Reste aussi le souvenir du Soleil des Indépendances[6]. Quant à la « couleur musicale », c’est l’instrumentalité, toute Afrique « éclectique ». Congas, sax, n’goni, assortis dans la musique d’Apkass par Jr EakEe à la programmation du concert et basse batterie sur le CD. L’Afrique est une réalité devant laquelle se tiennent un tempo et une oralité. C’est un tout, pan, en grec. Panafricain. Ca ne groove pas, et ça ne semble jamais grave, mais ça sonne vraiment, en pleine conscience.
Du retour aux racines, en multiples développements, c’est aussi les résonances tant surprenantes que fascinantes de l’africanité. Autre notion parfois tendance. Mais le fait qu’on en décèle en Argentine, ça force le respect. Nuance, histoire, conférence… A Sevran, le jeudi 6 décembre[7], Monsieur Juan Carlos Cάceres nous offre tous les détails. Sachons seulement que tango, ça vient de temps mort dans un certain dialecte africain. C’est gratuit en plus. Il faut pour finir relever certains projets audacieux : une soirée avec les poèmes de Rûmî et la musique soufi. Une autre gnawa. Et des voix merveilleuses. Il y a davantage de virtuoses que de musiciens dans ce festival. On peut dire que c’est la classe internationale. Ca quadrille[8] des Caraïbes à l’océan Indien, Mali, Abidjan, Ethiopie et beaucoup trop pour vouloir résumer. Avis aux curieux valeureux.[9]
[1] voici les références de tout le festival de cette année 2007, http://www.africolor.com
[2] samedi 15 décembre 2007 à l’Espace 1789, 2/4 Alexandre Bachelet à Saint-Ouen
[3] en particulier sur son site http://www.apkass.com
[4] il s’agit d’une citation du texte d’Apkass sur son site
[5] c’est autant le titre d’une chanson de l’album qu’un extrait de parole.
[6] il est fait allusion au roman d’Amadou Kourouma, Le Soleil des indépendances, paru aux Editions du Seuil, collection Points, 1995
[7] à l’Espace François Mauriac de Sevran, à 19h30, au 51 avenue du Général Leclerc, et aussi sur le site d’Africolor http://www.africolor.com/artiste-fiche.php?festival_id=20&artiste_id=57
[8] pour faire allusion à la danse britannique déformée aux Caraïbes donnant un genre de musique porté par le groupe Négoce et Signature le vendredi 7 décembre 2007 à 20h30 à Stains, l’Espace Paul Eluard, Place Marcel Pointet.
[9] Voir le site d’Africolor
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